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Élection historique en Inde, un virage important

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En avril et mai dernier, l’Inde a organisé la plus grande élection de l’histoire de l’humanité, appelant aux urnes (sur une période de cinq semaines) environ 815 millions d’inscrits, soit plus que la population européenne totale[1]. Le résultat de ce scrutin a des implications majeures pour l’économie et les marchés financiers du sous-continent, comme de l’ensemble des économies émergentes et développées dans le monde. Sukumar Rajah, Managing director et directeur des investissements au sein de Local Asset Management, Actions asiatiques, donne sa vision de l’évolution du contexte politique en Inde et évoque les conséquences potentielles pour les investisseurs.

Sukumar Rajah
Sukumar Rajah

 

Sukumar #Rajah

Managing Director, directeur des investissements

Franklin Templeton Local Asset Management, Actions asiatiques

 

Vue d’ensemble

L’élection qui s’est récemment déroulée figure parmi les plus importantes de l’histoire de l’Inde. Il y encore quelques années, l’économie indienne affichait une croissance à deux chiffres et apparaissait comme la pépite des marchés émergents. Depuis, la croissance a montré des signes de faiblesse et la confiance s’est effondrée. Bien que ce ralentissement économique soit en partie attribuable aux cycles économiques mondiaux, de nombreux dirigeants d’entreprises pointent du doigt le contexte politique national, la corruption et l’indécision du précédent gouvernement. Le nouveau gouvernement qui est sorti des urnes manifester une réelle volonté de relancer la croissance et la création d’emplois tout en consolidant la nation. Ces élections générales ont commencé le 7 avril et se sont achevées le 12 mai, générant apparemment le plus fort taux de participation jamais enregistré, soit 66,4 % (par rapport à 58,2 % en 2009).[2]

 

Les enjeux électoraux évoluent et la démocratie indienne semble franchir une nouvelle étape. En effet, la proportion des jeunes parmi les votants, l’amélioration du niveau d’instruction, le pouvoir électoral croissant des zones urbaines et l’émergence de nouvelles aspirations ont déclenché une profonde volonté de changement qui a conduit à l’élection d’un gouvernement issu de l’Alliance démocratique nationale et dirigé par Narendra Modi (du parti Bharatiya Janata ou « BJP » en anglais). Les investisseurs indiens et étrangers estiment que ce 14e premier ministre sera favorable aux entreprises et désireux de remettre l’avant des projets d’infrastructures longtemps délaissés dans l’ensemble du pays. Le programme politique de M. Modi a principalement porté sur l’économie et la gouvernance (avec une phrase qui a fait mouche : « Un minimum de gouvernement, un maximum de gouvernance »), reléguant à l’arrière-plan les questions religieuses qui avaient monopolisé les campagnes précédentes.

 

Environ 150 millions de personnes âgées de 18 à 24 ans ont obtenu le droit de vote pour la première fois lors de cette élection de 2014 (plus que les populations de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ou de l’Italie, réunies). L’Inde est une des plus jeunes démocraties au monde, 65 % des citoyens ont moins de 35 ans et près de la moitié des Indiens n’ont pas encore atteint l’âge de 25 ans.[3] Cette catégorie d’âge est de plus en plus préoccupée par les questions de gouvernance, d’emploi et d’économie. La popularité des médias sociaux a également permis de mobiliser le vote des jeunes.

 

 

L’urbanisation croissante du sous-continent est un autre facteur important. Selon nos estimations, la population urbaine génère actuellement près des deux tiers de la production nationale. Près de 90 millions de nouveaux citadins ont été dénombrés entre 2001 et 2011 et on s’attend à 250 millions supplémentaires d’ici 2030.[4] Selon le Département des affaires économiques et sociales des Nations unies, les villes indiennes abritent environ 30 % de la population nationale, mais l’exode rural devrait accélérer significativement au cours des prochaines décennies.[5]

 

De plus, la hausse des revenus et l’amélioration de l’instruction ont déplacé les enjeux de la campagne électorale vers les attentes d’une classe moyenne en devenir (au détriment des plus démunis). Celles-ci avaient été comblées durant la première décennie du XXIe siècle, grâce à la croissance économique, mais sont maintenant menacées.

 

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Mettre fin à la paralysie politique

En tant qu’investisseurs sur les marchés boursiers mondiaux, nous espérons que cette élection débouchera sur un gouvernement stable, capable de mettre fin à la paralysie politique ambiante, tout en avançant avec les réformes de fond qui sont maintenant entre ses mains. De plus, de nombreux investisseurs étrangers espèrent que ce nouveau gouvernement adoptera un positionnement plus ouvert à l’égard des investissements directs étrangers (IDE).

 

Il nous semble que la coalition de l’Alliance démocratique nationale (« NDA » en anglais), dirigée par le PBJ et l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi représentent en tout cas la meilleure configuration que l’on pouvait envisager à cet égard. De nombreux dirigeants d’entreprise sont également convaincus que M. Modi parviendra à relancer les investissements et les projets d’infrastructures. Le BJP s’est fortement engagé à relancer la création d’emplois et la croissance économique, consacrant les six derniers mois à étudier les stratégies économiques à mettre en œuvre une fois l’élection remportée.

 

La NDA dirigée par M. Modi et le BJP, a obtenu une claire majorité de sièges au Lok Sabha, le parlement indien, dépassant même les attentes de nombreux analystes politiques, qui prédisaient la nécessité d’un accord avec des partis régionaux pour former un gouvernement. Ce résultat est historique pour l’Inde. Nous pensons que la population a ainsi confié un mandat clair au BJP afin que les réformes mises de l’avant dans son programme politique voient le jour. En d’autres termes, ce parti parait en mesure de constituer un gouvernement stable, sans devoir composer constamment avec ses alliés régionaux, tout en recueillant le soutien politique nécessaire à la conduite de réformes structurelles nécessairement impopulaires.

 

Selon son programme politique, le gouvernement de la coalition dirigée par le BJP souhaite s’atteler en priorité aux questions économiques. Ainsi, les réformes que les entreprises attendent ont de bonnes chances d’être mises en œuvre. Les objectifs immédiats de M.Modi seront vraisemblablement de restaurer la stabilité macro-économique et de relancer les investissements, particulièrement en infrastructures. Il devrait également s’attaquer à plusieurs questions sensibles, notamment :

 

  • La réduction des pressions inflationnistes et du déficit budgétaire, au moyen d’une modernisation des infrastructures agricoles, d’une libéralisation et d’une stabilisation politique agroalimentaire ;
  • Les investissements, particulièrement la mise en place d’un encadrement dans le temps des procédures d’autorisation de projets et de mécanismes de transfert des ressources nationales, un remaniement de la politique d’acquisition de la terre, la recapitalisation du secteur bancaire public ainsi que la relance des investissements directs étrangers (IDE) ;
  • Des mesures fiscales, particulièrement l’imposition d’une taxe sur les produits et les services (TPS), le retrait progressif des subventions pour les carburants et engrais, et la privatisation des entreprises du secteur public ;
  • Le soutien du secteur industriel, grâce au développement du corridor industriel Delhi-Mumbai et à la mise en place d’une politique nationale pour le secteur secondaire ;
  • L’identification et la suppression des goulets d’étranglement dans les projets d’infrastructure.

 

À long terme, ce gouvernement vise également à améliorer les infrastructures notamment dans les secteurs des transports, du logement et de la formation. Ces initiatives devraient contribuer à l’urbanisation croissante de l’Inde, certains estimant que 100 villes nouvelles devraient se construire dans les prochaines années. Le BJP devra également veiller à renforcer la coopération des différents paliers de gouvernement et à encourager l’innovation au sein des entreprises, par une hausse des dépenses de recherche et de développement et un développement de l’incubation d’entreprises. Il tentera également de moderniser et de renforcer l’emploi traditionnel dans les différentes filières agricoles ainsi que dans le secteur de la distribution, tout en préservant le secteur secondaire et le tourisme, gros consommateurs de main-d’œuvre.

 

India2014_BE-02_map2Incidences sur les marchés financiers

Les marchés boursiers indiens ont enregistré des gains à l’approche de cette élection, le Sensex et le Nifty franchissant de nouveaux sommets le 15 mai 2014. Même si les ratios cours/bénéfices, à 17,3x, se sont approchés de leur moyenne des 10 dernières années (établies à18,6x) [6], les niveaux de marge et de croissance ont été médiocres. En conséquence, nous pensons que les perspectives de bénéfices des deux ou trois prochaines années demeurent encourageantes. Ces marchés devraient bénéficier d’une confiance accrue en 2014 et en 2015, les investisseurs anticipant une batterie de réformes qui pourrait conduire à une amélioration de la notation économique du pays. Un gouvernement dirigé par la NDA de M.Modi et le soutien d’une banque centrale crédible, sous la présidence de M. Raghuran Rajan, nous paraissent de bon augure pour l’économie indienne à moyen terme.

 

L’an dernier, les investisseurs en actions indiennes se sont dans l’ensemble concentrés sur les secteurs des technologies de l’information et de la consommation de base, lesquels ont relativement bien tiré leur épingle du jeu étant donné les inquiétudes sur les fronts de l’inflation et du déficit. Le secteur des TI a été avantagé par la faiblesse de la roupie, alors que la consommation de base bénéficiait de données fondamentales considérées comme bonnes par beaucoup.

Au cours des derniers mois, de nombreux investisseurs, anticipant probablement un changement politique ainsi qu’un nouveau cycle de reprise économique, se sont tournés vers :

 

  • Les financières, les portefeuilles de prêts pouvant s’améliorer grâce à une reprise de la croissance économique et de progrès sur le plan politique ;
  • Les industrielles du segment des biens d’équipement, en raison du meilleur moral des chefs d’entreprise ainsi que d’un nouveau cycle d’investissement ;
  • Certaines sociétés du secteur de l’énergie, misant sur un fardeau fiscal moins lourd et un cadre politique plus porteur ;
  • Les sociétés d’infrastructures, le nouveau gouvernement pouvant réussir à éliminer les goulets d’étranglement et à favoriser de nouveaux investissements.

 

Nous pensons très probable que les sociétés de bonne qualité de ces secteurs puissent s’apprécier après l’élection. En nous basant sur nos interactions avec les sociétés indiennes, nous avons clairement l’impression que la communauté d’affaires fait totalement confiance aux aptitudes de M. Modi pour revigorer l’économie et que les investissements industriels et d’infrastructures devraient donc s’accélérer. Il existe toutefois un risque que ce gouvernement ne soit pas en mesure de satisfaire des attentes aussi élevées, ou pas assez rapidement, mais nous nous concentrons sur les éléments factuels dont nous disposons, lesquels plaident en faveur de perspectives à long terme encourageantes.

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Les commentaires, les opinions et les analyses de Sukumar Rajah sont fournis à titre d’information uniquement et ne constituent pas des conseils d’investissement individuels, des recommandations à investir dans un titre ou à adopter une stratégie d’investissement particulière. Les conditions économiques et de marché étant susceptibles d’évoluer rapidement, les commentaires, opinions et analyses sont valables à leur date de publication et peuvent changer sans préavis. Ce document ne constitue pas une analyse complète des faits relatifs aux divers pays, régions, marchés, secteurs, investissements ou stratégies cités.

 

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Quels sont les risques ?

Tout investissement comporte un risque, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. La valeur des investissements peut fluctuer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs ne sont pas assurés de récupérer la totalité de leur mise initiale. Les cours des actions sont soumis à des fluctuations, parfois rapides et importantes, en raison de facteurs affectant les entreprises individuelles et certains secteurs ou sous-secteurs, ou du fait des conditions générales de marché. Les investissements à l’étranger comportent des risques spécifiques, comme les variations des taux de change, l’instabilité économique et l’évolution de la situation politique. Investir dans les marchés en développement implique des risques accrus concernant ces mêmes facteurs, lesquels s’ajoutent aux risques liés à la plus petite taille de ces marchés, à leur liquidité inférieure et à l’absence d’un cadre légal, politique, commercial et social établi pour soutenir les marchés des titres obligataires. Les cours des actions sont soumis à des fluctuations, parfois rapides et importantes, en raison de facteurs affectant les entreprises individuelles et certains secteurs ou sous-secteurs, ou du fait des conditions générales de marché. De tels investissements peuvent connaître une volatilité importante des prix



[1] Source : Election Commission of India, 05/03/2014. Département des affaires économiques et sociales des Nations unies (2012)

[2] Source : Election Commission of India.

[3] Government of India – Ministry of Home Affairs. Recensement par année d’âge de 2011.

[4] Source : Banque mondiale. (2013) Urbanization beyond Municipal Boundaries: Nurturing Metropolitan Economies and Connecting Peri-Urban Areas in India. Directions in Development. Washington, DC. Doi:10.1596/978-0-8213-9840-1, licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0.

[5] Source : Division de la Population du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies, Perspectives de la population mondiale : révision de 2011, août 2012.

[6] Source : FactSet, MSCI. Ratios cours/bénéfice des 12 derniers mois de l’indice MSCI Inde au 30/04/2014. © 2014 FactSet Research Systems Inc. Tous droits réservés. Les informations contenues dans les présentes : (1) appartiennent à FactSet Research Systems Inc. et/ou ses fournisseurs de contenu, (2) ne peuvent être reproduites ou diffusées, et (3) ne sont pas garanties en termes de fiabilité, d’exhaustivité ou de caractère opportun. FactSet Research Systems Inc. et ses fournisseurs de contenus déclinent toute responsabilité quant à d’éventuels dommages ou pertes résultant d’une utilisation de ces informations. MSCI n’apporte aucune garantie, expresse ou implicite, ni ne fait aucune déclaration, et n’assume aucune responsabilité quant aux données de MSCI contenues dans le présent document. La redistribution des données de MSCI ou leur utilisation en lien avec d’autres indices, titres ou produits financiers n’est pas autorisée. Les indices ne sont pas gérés et il n’est pas possible d’y investir directement. Les performances passées ne présagent pas des résultats futurs.