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Fonds d'actions

Secteur américain des technologies : persistance de la hausse ou correction à l’horizon ?

Le responsable du marché actions chez Franklin Templeton, Stephen Dover, parle de l’investissement dans le secteur des technologies : en quoi est-ce différent aujourd’hui ?

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Depuis l’effondrement notoire de la bulle Internet, il y a près de deux décennies, les investisseurs ont eu tendance à se méfier de toute augmentation durable des actions du secteur des technologies. Stephen Dover, vice-président principal et responsable du marché actions chez Franklin Templeton Investments, et directeur des investissements, Templeton Emerging Markets, a récemment enregistré un podcast où il parle du secteur des technologies ainsi que du point de vue des investisseurs dans ce domaine. Il y explique pourquoi il croit que la situation d’aujourd’hui est très différente de l’effondrement de la bulle Internet.

Écoutez l’intégralité du podcast « Talking Markets », où Stephen parle des investissements dans le secteur des technologies aujourd’hui. 

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 En voici quelques extraits :

 

  • Aujourd’hui, la différence majeure, en matière de technologie, est probablement la notion de disruption — par exemple, utiliser l’internet à des fins de disruption des services de taxi, de la vente au détail ou des communications. En outre, les entreprises de technologie disposent aujourd’hui d’un flux de trésorerie ainsi que de bénéfices. Pour ces raisons, elles ne semblent plus aussi surévaluées qu’avant, au plus fort de la bulle technologique, au début des années 2000.

 

  • Un monde où nous avons accès à une masse monétaire importante et où les taux d’intérêt sont relativement bas signifie que les valorisations pour les sources de bénéfices sont meilleures qu’elles ne l’auraient été dans le passé. C’est probablement le principal moteur pour les valeurs technologiques.

 

  • Au bout du compte, quand un investisseur tente de décider si oui ou non il va conserver ses actions pour longtemps, il doit examiner comment ces entreprises seront en mesure de continuer à faire de l’argent. De manière très générale, ces entreprises pourront continuer à faire de l’argent en augmentant leur productivité, et la productivité ne peut augmenter qu’au moyen du réinvestissement.

 

  • Un marché clément peut continuer ainsi pour longtemps. L’économie américaine a connu une des plus longues reprises de son histoire, mais la reprise s’est révélée passablement faible au sortir de la crise financière mondiale de 2007 à 2009. Par conséquent, certains font valoir qu’une reprise plus faible peut durer plus longtemps.

 

  • Les investisseurs anticipent un contexte très propice aux actions, mais des événements imprévus peuvent toujours venir fausser les perspectives. Et si les bénéfices ne suivent pas, ou si les taux d’intérêt ne restent pas bas, alors une correction est tout à fait possible, et même une forte correction. Cela ne devrait pas trop gêner les investisseurs à long terme.
  • Fréquemment, la gestion d’une entreprise est le moteur de sa réussite, qui la différencie des autres. C’est très difficile à évaluer pour un investisseur individuel, et nous passons beaucoup de temps à essayer de le faire.

 

Voici la transcription intégrale du podcast :

 

Kristine Hurley : d’abord, à celles et ceux qui nous écoutent et qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?

Stephen Dover :  deux particularités intéressantes peut-être. Pour commencer, j’ai grandi dans le Montana, dans un ranch familial appartenant à mon arrière-grand-père. Alors, les gens qui me connaissent un tant soit peu ne le savent probablement pas, mais ces années ont en partie forgé la personne que je suis. Fils d’un propriétaire de ranch et d’une enseignante, j’ai toujours considéré l’investissement comme lié à ce type de personnes, c’est pour eux que j’investis, et je prends cela très au sérieux.

Puis, j’ai été l’un des premiers Américains à aller étudier en Chine, au tout début des années 1980, et à cette époque, la Chine était considérée comme un pays du tiers-monde. Ces années m’ont appris beaucoup également. Ironiquement, j’étudiais l’économie marxiste, ce qui n’a pas été très utile, mais cela m’a permis de voir la vie sous un autre angle. Ce sont ces deux vécus qui, combinés, m’ont vraiment façonné, je crois, et qui m’ont amené là où je suis aujourd’hui.

Kristine Hurley : c’est un parcours fascinant, et de là, comment en êtes-vous arrivé à faire ce que vous faites aujourd’hui ?

Stephen Dover : et bien, j’ai sillonné pas mal d’endroits en fait. J’ai eu la chance de vivre dans de nombreux pays différents. J’ai voyagé — vous savez, je dis à ma famille que j’ai été partout, mais ma fille me dit que non, je n’ai pas encore été en Antarctique. Je n’ai donc pas été partout, mais la plupart des pays où je suis allé, j’y ai investi. J’ai passé la plus grande partie de ma carrière à l’extérieur des États-Unis où j’ai créé des bureaux offrant des services d’investissement destinés aux investisseurs locaux. Nous avons élaboré des produits de placement pour les marchés indien, brésilien, canadien ou européen. Ces expériences ont toutes été passionnantes, et c’est ce à quoi je me suis consacré au cours des 30 dernières années.

Je crois que j’ai eu la chance incroyable de travailler avec beaucoup d’excellents investisseurs, dont plusieurs chez Franklin Templeton. Évidemment, [feu] John Templeton vient à l’esprit. Je travaille désormais étroitement avec Mark Mobius. Toutefois, je dirais que la personne qui a été un véritable modèle pour moi est Charlie Johnson, PDG [de 1957 à 2005], avec qui j’ai eu l’occasion de travailler et qui a vraiment façonné ce que Franklin Templeton est devenu aujourd’hui. Et l’une des choses qui m’ont frappé est lorsqu’il parlait, au début des années 2000, des fonds communs de placement, de leur utilité, et du véhicule incroyable qu’ils représentent.

Kristine Hurley : le secteur américain des technologies ne cesse de prospérer. Qu’en pensez-vous ?

Stephen Dover : oui, c’est intéressant. Je suppose que l’âge a quand même ses avantages. Je suis passé par là déjà à quelques reprises. Nous avons vu la technologie progresser à grands pas, notamment avec la bulle technologique du début des années 2000, mais il y en avait eu une autre également en 1974. C’est passionnant. C’est très intéressant d’apprendre tout cela.  Si quelqu’un vient vous voir et vous dit « Bon, j’ai une idée incroyable, je vais créer une société mondiale de taxi [en ligne] ». Vous savez, ce sont ces nouvelles idées disruptives, allons-nous dire que c’est une société technologique ou une société de taxi ? Par conséquent, j’estime que la situation est vraiment différente de celle que l’on a vécue dans le passé, et je crois que la différence majeure réside probablement dans la disrutpion, et l’autre différence est que ces sociétés disposent d’un flux de trésorerie et génèrent des bénéfices. Et pour le moment, elles ne semblent plus aussi surévaluées qu’avant, au plus fort de la bulle technologique, au début des années 2000, parce qu’elles font désormais des bénéfices. Alors, je dirais qu’au début des années 2000, quand on y repense, beaucoup de ces prévisions étaient exactes, mais elles étaient fondées sur l’espoir. Pas mal de sociétés n’arrivaient pas à générer de bénéfices et n’avaient aucune véritable valeur. Donc, sans être trop technique, je dirais que la façon dont bon nombre d’analystes comme nous évaluent une société consiste à regarder l’actualisation de ses flux de trésorerie ou de ses dividendes, et la plupart de ces sociétés, au début des années 2000, ne pouvaient pas être évaluées ainsi. Nous avions alors ce que l’on appelait la valeur terminale. Nous présumions qu’après 20 ans elles auraient beaucoup de valeur, puis nous réactualisions pour obtenir la valorisation. Ce n’est pas la situation aujourd’hui, car ces sociétés ont des flux de trésorerie, ou tout au moins ont le potentiel d’en avoir.

Et j’estime que la vraie question d’importance est probalement que ces sociétés sont disruptives, qu’il est possible de se servir de l’effet de levier de l’internet pour disrupter le service des taxis, ou la vente au détail ou les communications, et on y trouve une valorisation. On verra comment cela va se passer, mais je crois que c’est différent de ce que l’on a pu vivre par le passé.

Kristine Hurley : donc, à votre avis, ces nouvelles percées disruptives vont-elles aussi changer le calendrier des hausses [du marché] ? On a déjà vu des montées en flèche, comme vous l’avez dit, mais il semble que cela dure depuis longtemps. Est-ce dû à ces percées technologiques ou l’attribuez-vous à d’autres facteurs ?

Stephen Dover : en fait, les actions du secteur des technologies forment une industrie différente offrant des occasions de croissance différentes et comportent un certain pouvoir monopolistique. Alors, qu’est-ce que nous changons ? Nous changons des domaines qui ont des marges bénéficiaires élevées, et c’est vraiment là que se trouvent ces sociétés, donc, par essence, les occasions sont multiples. Mais, je crois que votre question concerne sans doute un peu plus le marché en général. Quand on analyse les niveaux de valorisation sur le marché, je pense qu’une façon de les regarder ou de les considérer, qu’elles soient riches ou pas, est de penser que les ratios C/B sont vraiment très similaires aux taux d’intérêt, et que, comme une inversion, quand les taux d’intérêt sont bas, il y aura davantage de valeur dans l’avenir, car cela a été actualisé à un taux d’intérêt plus bas. Et c’est pour cette raison qu’on ne peut pas comparer les valorisations actuelles avec celles du passé. Donc, un monde où nous avons accès à une masse monétaire importante, où les taux d’intérêt sont relativement bas et même où les prévisions de hausse des taux d’intérêt sont assez favorables, signifie que les valorisations pour les sources de bénéfices sont meilleures qu’elles ne l’auraient été dans le passé, et c’est vraisembablement ce qui a largement contribué aux bons rendements du marché. De plus, lorsque les taux d’intérêt sont très bas, et que vos sources de bénéfices sont plus importantes, les rachats valent plus que les dividendes, et c’est également ce qui s’est passé en grande partie sur le marché. En réalité, les marchés se sont contractés. Il y a moins d’actions et moins de sociétés sur le marché qu’il n’y en a eu au cours des 20 dernières années, malgré les introductions en bourse et les nouvelles sociétés, et c’est à cause de tous ces rachats qui sont survenus.

Ensuite, je dirais que le troisième élément est vraiment le contexte politique. Notre contexte est, dans l’ensemble, très favorable aux affaires, et plutôt à la hausse qu’à la baisse en fait, à cause, par exemple, des réductions d’impôt potentielles.  C’est donc un climat assez clément qui favorise ces niveaux records que l’on voit actuellement sur le marché.

Kristine Hurley : en ce qui concerne les perspectives de bénéfices, la saison a déjà commencé, et on constate que les résultats persistent dans leur vigueur. Les rachats se poursuivent, et dans ce cadre de taux d’intérêt cléments, pensez-vous que ce type de situation va persister avec les rachats et les bilans que l’on voit ?

Stephen Dover : les rachats ne semblent pas sur le point de ralentir. Maintenant, il serait navrant, relativement aux rachats et à ce qu’on espère obtenir dans une économie, que les sociétés réinvestissent. C’est un domaine dans lequel les réinvestissements dans l’économie n’ont pas été aussi nombreux qu’on l’aurait souhaité. Et je dirais que c’est en partie une question de politiques publiques tout autant qu’une question d’entreprise à proprement parler, et nous n’avons pas constaté une hausse quelconque de la productivité. Par conséquent, en fin de compte, quand un investisseur doit décider si oui ou non il doit conserver ses actions pour longtemps, la question se résume à comment va-t-il faire de l’argent ? Bon, le seul moyen pour ces sociétés, je parle de manière très générale ici, de faire de l’argent est d’accroître leur productivité, et pour augmenter la productivité, il faut réinvestir. Alors, c’est une question importante dont on doit tenir compte dans les perspectives.

Kristine Hurley : et dans ces perspectives, si ce contexte favorable se poursuit et se prolonge, combien de temps, selon vous, ce mouvement haussier va-t-il durer, ou pouvons-nous être fragilisés par des résorptions ou par un ralentissement de secteur ?

Stephen Dover : nous devons regarder ce qui s’est passé dans ce marché. Il y a eu une alternance sur les marchés, dans le sens où certains secteurs se sont très bien comportés, plus particulièrement le secteur des technologies par exemple, tandis que d’autres ont vécu de terribles refinancements, ce qui fut le cas du secteur de l’énergie, et à d’autres moments du secteur de la santé ainsi que d’autres secteurs. Donc, c’est bon pour un marché. Cela ne se voit pas au plus haut des rendements du marché, mais on le voit en contrebas en termes de roulement. Un marché clément peut durer longtemps. Dans cette économie singulière, tout du moins aux États-Unis, on a eu l’une des plus longues reprises de l’histoire, mais cette reprise n’a également jamais été aussi faible. Par conséquent, certains font valoir qu’une reprise plus faible peut durer plus lontemps qu’une forte économie.

Mais, peut-être qu’une autre façon de voir votre question serait la suivante : qu’est-ce qui peut nous déséquilibrer ou qu’est-ce qui pourrait provoquer une correction, et je pense qu’il y a plusieurs facteurs. Vous savez, ce qui est important, et c’est une réponse bizarre, mais c’est ce qu’on ne sait pas, non ? Il pourrait y avoir une situation politique, un problème terrible avec la Corée, une guerre commerciale avec la Chine, des incidents politiques aux États-Unis, parce que les investisseurs anticipent, pour ainsi dire, un climat économique très favorable. Donc, si ce n’est pas le cas, si les bénéfices ne suivent pas, si les taux d’intérêt ne restent pas bas, alors une correction est tout à fait possible, et peut-être même une forte correction. Ces événements sont donc imprévisibles, mais je dirais qu’il est probable qu’une correction survienne au cours des deux prochaines années, et cela ne devrait pas vraiment gêner les investisseurs à long terme.

À mon avis, la plupart des investisseurs devraient envisager leurs investissements de deux façons, quel que soit leur portefeuille. Mais, pour la plupart des gens, et plus particulièrement les plus jeunes, la majeure partie de leur portefeuille est en réalité leur source de profit, leurs économies sur une période donnée. Lorsqu’on prend cela en compte, cela change le profil de risque quant à votre manière d’investir, et je le dis parce que cela signifie : que faites-vous lorsque vous êtes dans le haut du marché ?

Je me rappelle une phrase très célèbre de John Templeton lors d’une conférence où quelqu’un lui demandait « Monsieur Templeton, je viens juste d’hériter d’une somme d’argent.  La totalité en espèces, et je veux investir, quel est le bon moment ? » Et sa réponse fut : « Il faut investir quand vous avez l’argent. » Donc, je ne partirais pas à la chasse aux aubaines sur le marché en ce moment et n’irais certainement pas acheter ces titres très coûteux pour l’instant. En ce qui concerne les erreurs que les gens commettent, s’il y en a une que le petit investisseur type commet, c’est d’essayer de prévoir le marché et d’entrer et de sortir du marché. Par conséquent, ce n’est sans doute pas le bon moment pour se ruer sur le marché, mais je serais très prudent avant d’en sortir pour le moment.
Kristine Hurley : vous entendez tellement parler de cette mentalité, de « ce mouvement haussier se poursuit, nos actions sont au plus haut, je dois vendre maintenant, dois-je encaisser mes profits ou dois-je vendre avant que cela continue », alors, je suppose que votre avis sur cette mentalité c’est…

Stephen Dover : je pense que nous vivons dans un monde où il y a tellement d’informations et de données, comme jamais auparavant, et les analystes comme moi essayons de trouver un moyen de tirer tout cela au clair. À la télé, on n’arrête pas de nous rabâcher d’acheter ou de vendre, et j’en passe, et le vrai défi maintenant, je crois, pour les investisseurs, est de prendre du recul, de vraiment, vous savez, se détacher de tout ce qui se dit et de se mettre un peu en retrait. Notre entreprise valorise toujours autant d’aller visiter les sociétés, de connaître l’équipe de direction et d’essayer d’appréhender les choses sous un angle plus stratégique. Cela fait longtemps que je travaille dans ce secteur, et j’ai compris que ce sont ces moteurs qualitatifs, le fait d’être vraiment là, de vérifier la marchandise et de rencontrer la direction, qui s’avèrent réellement incroyablement utiles pour déterminer dans quelle direction s’en vont ces sociétés.

Si vous regardez les sociétés technologiques, bien évidemment elles doivent avoir la technologie, mais dans de nombreux cas, c’est vraiment l’équipe de direction de la société qui fait que cette société prospère plus qu’une autre. C’est très difficile à évaluer pour un investisseur individuel, et c’est vraiment ce que nous nous efforçons de faire, nous y consacrons beaucoup de temps.

Kristine Hurley : parlons des valorisations. Le cours des actifs semble être élevé partout. Êtes-vous d’accord avec le concept qu’il n’est pas possible d’acheter quoi que ce soit en dessous de la valeur intrinsèque, que les bonnes occasions sont très rares, et que c’est un monde où le mieux qu’un investisseur puisse faire est de chercher des occasions à un coût moins surévalué que d’autres ?

Stephen Dover : Je pense que l’un des problèmes inhérents à l’investissement moderne et à la façon dont nous appréhendons l’investissement, est qu’il s’agit d’un monde relatif plutôt que d’un monde absolu. J’estime que s’efforcer de dépasser l’indice de référence tout le temps ou même examiner et évaluer la gestion de votre portefeuille en fonction de ce paramètre est en quelque sorte une manière de regarder les choses à court terme. Et c’est, par essence, probablement ce qui s’est passé avec le mouvement important vers les placements passifs. Les marchés sont à leur plus haut niveau, il n’y a simplement plus autant d’occasions que par le passé. Cela ne signifie pas que les marchés vont s’arrêter de grimper, on aurait pu en parler il y a un an lorsque le marché était également élevé ou que l’appréciation était importante. Je pense que les occasions se font plus rares qu’elles ne l’étaient dans le passé. J’encouragerais les investisseurs à regarder à l’extérieur des États-Unis. Je pense que les États-Unis, comparativement à d’autres pays, sont beaucoup plus valorisés. Juste pour vous donner quelques chiffres et statistiques, je gère des fonds mondiaux, et lorsque je m’en occupais il y une dizaine d’années environ, les États-Unis représentaient 40 % de la valeur boursière mondiale. Maintenant, ils représentent 54 % environ de la valeur boursière mondiale.[1] Donc, juste relativement parlant, pensez-vous que les É.-U. représenteront 60 % de la capitalisation boursière mondiale à un moment donné ? On doit dire, bon, il y a peut-être des occasions dans d’autres pays. On parle de technologie. Les marchés émergents offrent des occasions dans les actions technologiques et les sociétés qui sont innovantes et s’attaquent à des marchés colossaux, notamment la Chine. Je pense que les gens ont tendance à se murer dans un cadre qui leur est familier, et c’est pourquoi ils ont besoin d’aide, pour les guider et les conseiller, mais il y a un nombre incroyable d’occasions en dehors des États-Unis.

Kristine Hurley : pouvez-vous donner des précisions à ce sujet ? Quelles sont vos perspectives pour le secteur des technologies dans les marchés émergents ?

Stephen Dover : une des choses que j’aimerais mentionner sur les marchés émergents : autrefois, quand j’ai commencé, dans les années 1980, on les appelait les pays du tiers-monde, vous savez, un endroit qui était presque banni de la plupart des fonds communs de placement. Et personne ne voulait investir chez eux car c’était trop risqué. J’estime que le nom marchés émergents est bien choisi, car ce sont des marchés qui émergent, ils sont en train d’évoluer. C’étaient des pays pauvres, avec une main-d’œuvre bon marché, et ils étaient essentiellement en train de se construire. En matière d’exportations — ce sont toujours des ressources très importantes —, des pays comme le Brésil qui ont d’énormes gisements de minerai de fer, par exemple, ainsi que du pétrole, ont généré la croissance. La croissance en Chine, en particulier, a été un moteur de croisssance dans ces autres pays émergents, mais nous sommes à un tournant où les ressources et les exportations représentent désormais une moindre part de la capitalisation boursière des marchés émergents. Ce qui est surprenant à mon avis et je ne crois pas que la plupart des gens le sachent, mais les marchés émergents disposent d’un contenu technologique plus élevé par rapport à leur indice de référence, à leur indice [indice MSCI des marchés émergents[2]] que presque n’importe quel autre indice général que nous avons.
Kristine Hurley : pensez-vous que la hausse du secteur des technologies durera plus longtemps dans ces endroits qu’aux É.-U. ; est-ce qu’on en est au balbutiement ?

Stephen Dover : on en est au balbutiement, et cette rupture est différente car ces pays n’en n’ont pas encore établi les fondements ou n’ont pas le passé des États-Unis. Ils brûlent des étapes par lesquelles sont passés les États-Unis. Selon moi, l’exemple le plus classique est le téléphone mobile. Donc, quand on voit un pays comme l’Inde, aux États-Unis, nous avions bien sûr des téléphones dans nos maisons, et maintenant nous avons des téléphones mobiles. En Inde, ils sont passés directement aux appareils mobiles. Seule la moité de la population indienne environ utilise des banques. Ils sont passés directement aux systèmes bancaires mobiles. Alors, je ne suis pas sûr que rupture soit le terme adéquat, mais il y a certainement un bond et une hausse du potentiel de productivité dans ces pays qui n’ont pas vraiment d’équivalent dans les pays développés.

Kristine Hurley : ces endroits semblent offrir une myriade de possibilités. Les questions d’ordre gouvernemental ou sociétal peuvent-elles représenter un quelconque défi et rendre les choses difficiles à ce niveau ?

Stephen Dover : oh là là, j’y ai passé toute ma carrière. Ces pays ont toujours des défis à relever, et c’est bien ce qui fait peur, n’est-ce pas ? Et il n’est pas facile de s’y rendre. Enfin, j’ai été au Moyen-Orient, voyagé sous la chaleur, et je me suis rendu à ces réunions, et vous parlez avec des entreprises. Si vous voulez vraiment comprendre ce qui se passe, il faut un traducteur, ainsi que beaucoup de volonté pour essayer de vraiment comprendre ces sociétés et leur fonctionnement. Mais, c’est aussi pour cette raison que les occasions y sont plus importantes, parce qu’elles ne sont justement pas aussi efficaces. Les marchés ne sont pas aussi efficaces, ils sont même encore loin d’être aussi efficaces que les marchés des pays développés, et les possibilités de croissance sont plus importantes. De toute évidence, les risques sont plus nombreux — il y a les gouvernements. Je m’intéresse au Brésil depuis plus de 30 ans maintenant, et il y a un proverbe au Brésil : « Le Brésil est le pays de l’avenir, et le sera toujours », car il n’y parvient jamais vraiment. Mais, c’est fou, quel pays riche, et quand je dis cela, je parle en termes de possibilités, de croissance et de gens intelligents. Mais c’est très volatil, il y a beaucoup de problèmes politiques, et il faut faire très attention. C’est risqué. Il est difficile de savoir ce qui se passe. Pour vous donner un exemple, la plupart des FNB pour les marchés émergents sont principalement concentrés sur quelques actions, surtout d’exportateurs. Alors, comme je l’ai déjà mentionné, ces pays évoluent de manière drastique, et si vous étiez favorable au Brésil, vous rechercheriez probablement un investissement qui reflèterait la croissance au Brésil ainsi que son économie, et le seul moyen d’y parvenir serait de trouver un gérant de placements actif qui comprendrait bien ce concept et investirait en conséquence.

Kristine Hurley : je suis sûre que vous avez plein d’histoires au fil de vos voyages…

Stephen Dover : effectivement.

Kristine Hurley : et elles vous ont probablement aidé à vous forger cette perspective unique dont vous avez besoin. Vous avez dit qu’il était difficile d’investir dans certains de ces endroits. Je suis sûre que c’est tout aussi difficile, voire plus, de dénicher ces occasions et d’effectuer les recherches. Croyez-vous que cette chance de pouvoir voyager et d’avoir des équipes qui voyagent ou qui sont réparties dans le monde entier vous apporte une perspective unique ou contribue à dénicher ces occasions ?

Stephen Dover : j’ai eu de la chance. J’ai passé la plupart de ces 30 dernières années à voyager, je vais partout ou presque, et je pense que cela m’a donné une perspective différente. Mais, une partie de cette perspective est que je sais que je ne sais pas grand-chose, malgré tous ces voyages. On ne peut pas comparer ce que je sais avec ce qu’un résident connaît, et ayant vécu dans bon nombre de ces pays différents, j’affirme qu’il est indispensable de connaître la langue du pays et que faire ses courses au niveau local ainsi que se créer un réseau local font toute la différence. S’il y a une réalisation dont je suis particulièrement fier, c’est que notre société a vraiment réussi à bâtir ces réseaux locaux. Alors, je pense que mes connaissances du marché, ou notre connaissance du marché, s’en trouvent d’autant plus décuplées, grâce à notre présence dans tous ces endroits, comme le Viêt Nam, l’Allemagne, le R.-U. et autres. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en mesure de gérer nos affaires d’un avion en partance de San Francisco, mais c’est très différent, et c’est une toute autre affaire si vous voulez pousser au-delà des grandes capitalisations boursières.

Kristine Hurley : bon, alors, comment fait-on pour regarder sous le capot ? Comment fait-on pour rencontrer les membres de la direction et leur parler ?
Stephen Dover : d’ordinaire, un analyste chez Franklin Templeton couvre autour d’une vingtaine de titres. Ce qui veut dire que vous passez deux semaines, 80 heures, à étudier juste un titre en particulier, et je pense que c’est exactement ce qu’il faut faire. Et puis, il ne faut pas oublier que c’est un cumul de connaissances ; par conséquent, les analystes n’apprennent pas de zéro, ils capitalisent sur ce qu’ils ont déjà appris auparavant. Et c’est ce qu’il faut pour vraiment comprendre une société, pour comprendre les dirigeants et leur stratégie, et c’est cela être un analyste. Au-dessus, vous avez un gérant de portefeuille qui pose des questions à l’analyste et s’efforce de décrypter si le titre doit être intégré au portefeuille ou pas. D’après moi, c’est ce qu’il faut pour réussir à comprendre, à bien cerner une société.

Kristine Hurley : au début de notre conversation, vous expliquiez pourquoi ce mouvement haussier était différent de certaines des autres hausses du secteur des technologies du passé, et plus particulièrement de l’époque de la bulle Internet. Bien qu’il y ait des différences, pensez-vous qu’un recul ou une sorte de correction sur le marché puisse différer de ce qui est survenu au cours des cycles précédents ?

Stephen Dover : c’est difficile à dire. Enfin, cela sera toujours la grande surprise. Je serais surpris qu’il ne survienne pas un recul de 5 à 10 % ; l’histoire des marchés le prouve, et les marchés vont au-delà de ce qu’ils devraient être. Je pense que ce serait sain pour le marché. Je crois que la vraie question est : est-ce qu’il y aura un effondrement ou plutôt une correction majeure. C’est très difficile à prévoir. Les bénéfices sont une excellente protection contre un effondrement majeur, et même si vous regardez les valeurs technologiques du point de vue d’un ratio C/B, elles sont actuellement à un ratio C/B de 18 à 19 en quelque sorte.[3] Elles dégagent une bonne rentabilité du capital, par rapport aux années 2000 où elles avaient un ratio C/B de 50 ou 100.[4] Il y en a encore comme cela sur le marché, et elles sont à risque.

À mon avis, le plus gros risque est ce que nous ne comprenons vraiment pas, et s’il y a une chose que je ne comprends assurément pas, mais je n’ai pas non plus encore trouvé un seul expert qui la comprenne vraiment, c’est quels sont les effets de cet exercice inédit en matière de politique monétaire, qui continue depuis 10 ans ou presque, et quel en est le but final. Comment est-ce que tout cela va se dérouler ? J’ai écouté beaucoup d’économistes, et j’écoute à l’évidence les banques centrales, nous sommes en terrain inconnu là-dessus, et le déroulement qui s’ensuivra aura des répercussions sur les marchés. Nous ne savons pas exactement quelles seront les conséquences, mais je garderais cela à l’esprit si j’étais un lecteur. Si cela vous intéresse, il faudrait lire beaucoup sur cette question. Même s’il y a toujours des gens qui essaieront de vous faire peur, je pense que cela vaut la peine de bien comprendre de quoi il retourne, d’un point de vue macroéconomique.

Kristine Hurley : vous avez dit que s’il y avait un léger recul, cela pourrait s’avérer sain pour le marché. Vous entendez ces experts du marché, ces émissions de télé vous suggérer d’acheter lors d’une baisse. Pensez-vous que les fondamentaux soutiennent le secteur, dans le sens où si nous avions un léger recul, ce serait alors le moment de renflouer ou de réinvestir ou de conserver ses investissements, ou est-ce qu’on en revient à la mentalité du long terme contre le court terme ?

Stephen Dover : je n’ai jamais compris ce concept d’acheter lors d’une baisse, et la raison est que cela suppose que vous êtes confortablement assis sur votre trésorerie.  Donc, en analysant un peu le marché pendant un certain temps, vous réaliseriez que vous ne feriez jamais d’argent en achetant à la baisse car, par essence, en espèces vous manqueriez le mouvement haussier sur le marché. Personnellement, je pense que la meilleure stratégie est de considérer vos objectifs, et de réfléchir à où vous désirez être dans trois ou cinq ans, et de vous concentrer là-dessus puis d’effectuer les ajustements nécessaires. C’est une approche stratégique, et j’estime que presque toutes mes études et toute l’expérience acquise au fil du temps me permettent de dire que cette façon de procéder est plus propice à la réalisation de vos objectifs financiers que celle consistant à attendre et à acheter lors d’une baisse. Les gens qui ont conservé leur trésorerie au cours des cinq dernières années, dans l’espoir d’une baisse, n’ont pas eu des résultats mirobolants.

Kristine Hurley : y a-t-il quoi que ce soit que l’on n’ait pas abordé et dont vous aimeriez parler ou que vous voudriez souligner ?

Stephen Dover : je pense que cet entretien a été très intéressant. J’espère que ce fut le cas aussi pour celles et ceux qui nous écoutent, et j’aimerais ajouter que nous traversons une période passionnante. Nous avons beaucoup parlé de la technologie et de ces ruptures ou changements dans le monde. Ce que j’ai remarqué, c’est la croissance phénoménale ainsi que les possibilités dans ces pays émergents ainsi que ces gens qui vivaient vraiment aux confins de la pauvreté et qui aujourd’hui progressent. Alors, je trouve passionnant de voir ce qui se passe et comment le marché apporte des richesses à travers le monde, je pense que cela va se poursuivre dans l’avenir, et c’est vraiment à cela que nous nous référons lorsque nous parlons d’investir dans le marché des actions. J’aimerais mentionner un excellent livre que j’ai lu, The Signal and the Noise, et qui, à mon avis, reflète vraiment le monde dans lequel nous vivons, où il y a tellement de renseignements qu’il devient très facile de se laisser distraire, et le vrai défi pour des investisseurs comme nous consiste à trouver ce signal parmi tous les bruits qui se propagent. Si on revenait 30 ans en arrière, et qu’on avait tous ces incroyables renseignements sur les sociétés, ce serait formidable, et à bien des égards cela l’est, mais cela rend les choses presque plus difficiles car il y a plus de bruit. Alors, voilà, c’est notre métier. C’est ce que nous essayons de faire chez Franklin Templeton, de faire le silence autour de nous et de faire abstraction du bruit pour découvrir ce signal.
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 Mentions légales importantes

Tout investissement comporte des risques, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. La valeur des investissements peut fluctuer à la baisse comme à la hausse, et il est possible que les investisseurs ne récupèrent pas la totalité de leur mise initiale. Les cours des actions fluctuent, parfois rapidement et drastiquement, en raison de facteurs affectant les entreprises individuelles et certains secteurs ou sous-secteurs, ou des conditions générales de marché. Le secteur des technologies peut être sérieusement touché par l’obsolescence de la technologie actuelle, des cycles de produit courts, une baisse des cours et des bénéfices, la concurrence de nouveaux acteurs sur le marché ainsi que par les conditions économiques générales. Les investissements à l’étranger comportent des risques spécifiques, comme les variations des taux de change, l’instabilité économique et l’évolution de la situation politique. Les investissements dans des titres étrangers comportent des risques particuliers, notamment liés aux fluctuations des taux de change, à l’instabilité économique et à l’évolution de la situation politique. Investir sur les marchés émergents, y compris dans la sous-catégorie des marchés frontières, entraîne des risques accrus liés à ces mêmes facteurs, lesquels s’ajoutent aux risques liés à leur plus petite taille, à leur liquidité moins importante et à l’absence de cadre juridique, politique, commercial et social établi pour soutenir les marchés de valeurs mobilières.

[1] Source : MSCI. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Consultez le site www.franklintempletondatasources.com pour obtenir des informations supplémentaires sur les fournisseurs de données.

[2] L’indice MSCI des marchés émergents reflète les moyennes et grandes capitalisations de 24 pays émergents. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Consultez le site www.franklintempletondatasources.com pour obtenir des informations supplémentaires sur les fournisseurs de données.

[3] Source : Bloomberg LP, basés sur les prévisionnels de l’indice S&P 500 Information Technology et les derniers ratios cours-bénéfices (C/B). Le ratio cours/bénéfices est un coefficient de valorisation d’une action obtenu en divisant son cours par le bénéfice annuel par action de la société émettrice. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des honoraires, des dépenses et des frais de vente. Consulter le site www.franklintempletondatasources.com pour de plus amples renseignements sur les fournisseurs de données.

[4] Ibid.